Dr Mukwege l'homme qui répare les femmes

Début juin, j’ai eu la chance d’assister à la conférence « Le viol comme arme de guerre » du Dr Denis Mukwege, gynécologue et défenseur des droits de la femme. Connu sous le surnom de « l’homme qui répare les femmes », le Dr Mukwege a reçu plusieurs distinctions officielles dont le prix Nobel de la paix en 2018. Lors de son discours lorsqu’il a reçu son prix Nobel, il explique son combat, je t’invite sincèrement à le regarder :


Durant cette conférence, il nous a partagé son histoire et surtout celle de ces trop nombreuses victimes de viol et mutilations en République Démocratique du Congo. 

Création de l’hôpital Panzi

Lorsque le Dr Mukwege a créé son hôpital en 1999, c’était pour répondre à un besoin précis: celui de la mortalité des femmes pendant ou suite à l’accouchement élevé car elles habitaient dans des régions reculées et isolées. L’accès aux structures médicales était difficile, et les accouchements mal encadrés.

Très rapidement après l’ouverture de l’hôpital, un certain profil de femmes était récurrent : les victimes de violences sexuelles, dont des enfants en bas voire très bas âge. Plus les mois passaient, plus les victimes étaient nombreuses.

Le coup de grâce pour le Dr Mukwege et son équipe a été le jour où ils ont dû s'occuper d'une victime de viol dont le profil était insoutenable : un bébé de 6 mois. 

Il fallait mener l’enquête pour savoir ce qui se passait dans la zone de Bukavu. Suite à ses recherches sur les causes, il a rédigé des rapports :

Le viol comme arme de guerre

Derrière cette expression, se cache des horreurs dont nous sommes trop nombreux à ignorer l’existence. Avant cette conférence, je croyais naïvement que le viol pendant la guerre était un événement opportuniste. Je m’explique : je pensais que les violeurs tombaient par hasard sur une personne vulnérable et isolée, et qu’ils en profitaient pour en abuser. La guerre apportant souvent le chaos, ils s’en sortaient sans aucune conséquence car la victime est souvent dans l’incapacité de réclamer la justice.

Le viol comme arme de guerre, c’est un autre niveau dans la folie humaine.

Pour comprendre pourquoi et comment le viol est utilisé comme arme de guerre, il faut d’abord comprendre de quel type de guerre on parle. Le coltan, le cobalt et de nombreux autre minerais sont à l’origine de tous ces maux. La République Démocratique du Congo regorge de ressources naturelles, à titre d’exemple 60% des réserves mondiales de cobalt s’y trouvent. Il s’y livre une véritable guerre pour le contrôle de ces ressources naturelles. Le contrôle de ces ressources passe par le contrôle des populations qui vivent sur ces terres riches : Il faut les assujetir.

Parmi toutes les formes de violence exercées sur les populations locales, le viol est une des armes la plus redoutable. La première victime est la personne violée, la seconde est toute la communauté. C’est de manière très argumentée que le Dr Mukwege nous a expliqué la corrélation directe entre viol, destruction du tissu social et occupation territoriale.

Ces viols sont méthodiques (collectifs, publics, accompagnés de torture et/où d’esclavage sexuel), massifs (en l’espace d’une nuit, 300 femmes d’un même village ont subi des viols), systématiques (peu importe l’âge ou le sexe)

LE BUT : torturer la victime, montrer que le bourreau a un pouvoir sur la population assiégée. Comme si ce n’était pas assez cruel, un acte encore pire est souvent réalisé, le massacre des organes génitaux. La symbolique y est très forte : Détruire la femme et détruire la vie.

Le Dr Mukwege nous expliquait que lorsqu’il voyait les victimes arriver, il était souvent en colère contre les hommes : ces pères, ces frères, ces oncles qui soit abandonnaient les victimes, soit quittaient le village. Un jour où il échangeait avec l’un d’eux, il a compris la réalité qui se cachait derrière cette lâcheté apparente. L’homme qu’il a rencontré lui a expliqué « ne plus se sentir comme un homme », impuissant dans son rôle, incapable, inutile et traumatisé. Nombreux sont ceux qui finissent par se suicider.

Ceci explique pourquoi de nombreuses victimes collatérales quittent leur village après le passage des bourreaux, sans parler des premières victimes, qui elles aussi bien souvent, ne retournent pas dans leur village, et vont chercher la sécurité et l’anonymat ailleurs. Ces déplacement massifs participent à l’occupation territoriale des bourreaux.

Quoi de mieux qu’une population désunie, désorganisée, dispersée et traumatisée pour garder le contrôle ?


La lumière après les ténèbres

La méthode Panzi (du nom de l’hôpital du Dr Mukwege) se veut holistique dans la prise en charge des victimes. Afin de leur éviter de devoir raconter leur histoire plusieurs fois (dabord au corps médical lors des soins physiques, puis d’un point de vue psychologique, puis judiciaire, etc…) et revivre l’horreur de l’événement encore et encore, la méthode Panzi met à disposition de chaque victime tous les interlocuteurs nécessaires (médecin, police, psychologique, avocat… ) afin qu’elle n’ait à raconter son histoire qu’une seule fois.

La prise en charge se fait dans un circuit de personnes que la victime connaît au sein elle de l’hôpital , elle peut ainsi bénéficier de tous les services avec un accompagnateur à toutes les étapes, c’est beaucoup plus facile pour elle et cette méthode lui évite de revivre le traumatisme. Nombreuses sont celles qui ne sont pas informées de leurs droits, elles sont aussi accompagnées par des experts légaux (l’hôpital Panzi travaille actuellement pour la mise en place de cliniques juridiques locales)

La Fondation Panzi apporte également aux victimes un appui socio-économique : Certaines femmes ne veulent pas quitter l’hôpital car elle n’ont ni argent ni refuge. La Fondation offre des formations pour les adultes et un programme de scolarisation pour tous les enfants.

Le Dr Mukwege a également publié un rapport à ce sujet : A Holistic, Person-Centred Care Model for Victims of Sexual Violence in Democratic Republic of Congo: The Panzi Hospital One-Stop Centre Model of Care


Comment contribuer à faire changer les choses ? 

On peut se sentir très vite impuissant face à ce genre de situation qui nous dépasse complètement. Je sais aussi que pour certains, la situation au Congo est une réalité qui peut paraître lointaine et pourtant, nous sommes bien tous concernés. Tout simplement parce que ces guerres dont il s’agit, ont lieu dans des zones où des minerais précieux comme le coltan (qui sert à fabriquer nos iPhone et nos Galaxy qu’on apprécie tant) sont exploités, et dont nombreux sont ceux qui veulent en prendre le contrôle. 

Il y a une chose qu’on peut tous faire : ÊTRE INFORME ET INFORMER. Avoir conscience de ce qui se passe dans la région est la première étape, alors n’hésite pas à partager l’information, sensibiliser ton entourage à cette réalité, te documenter plus en achetant par exemple des livres sur le sujet ❤️

LIVRES :

FILM :

One thought on “L’homme qui répare les femmes

  1. C’est une conséquence directe du conflit dans l’est de la RDC. Le “génocide rwandais ” s’y est téléporté avec des dégâts humains énormes.

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